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« Le 12 janvier 2012 nous étions à Nakoso le port industriel d’Iwaki dont la raffinerie de pétrole avait brûlé suite au tsunami. Nous n’étions pas venu spécialement pour faire une interview ce jour-la, Satoko Fujimoto avait coiffé sa casquette de Ringono et elle était venue présenter les activités de l’association, les distributions des pommes, les vertus de la pectine et des pommes auprès d’une école maternelle. Or nous sommes tombés sur un couple de directeurs d’école M. et Mme Ito qui étaient très sensibles à la fois aux questions de la contamination nucléaire et aux questions musicales. L’heure d’entrevue prévue s’est transformée en plusieurs heures de discussions très intéressantes.
Les échanges préalables par internet entre Satoko, Sayaka Suenaga notre guide sur la région, et M. Ito avaient mentionné mon projet autour de la musique et du son, mais je n’avais pas spécialement prévu faire une interview, surtout qu’on les rencontrait sur leur lieu de travail, au milieu de la salle de profs. Je ne participais même pas à la première partie de la discussion totalement en Japonais et je derushais les précédentes interviews sur mon ordinateur dans un coin. Et puis tout d’un coup, M. Ito m’a mis à l’aise en me disant, : « Ha, ce projet sur le son, ça m’a beaucoup intéressé. Je suis musicien, je joue de la guitare, alors j’ai beaucoup réfléchi à la question du son lié au séisme. ». C’était un excellent point de départ !
C’est ainsi que Mr et Mme Ito m’ont décrit très méticuleusement le son qui prélude à un tremblement de terre, et les renseignements que l’on peut en tirer quant à son intensité et la distance à l’épicentre. Puis la conversation a tourné vers la musique en général et le son des buzz d’alerte au séisme etc :
M. Ito : En dehors de l’école, j’écoute de la musique en permanence. J’en écoute tellement que j’en écoute même lorsque je joue de la guitare. Cependant, après le séisme, je me suis mis à en écouter beaucoup moins. J’ai même complètement arrêté au début. Et puis trois jours après le séisme, j’ai recommencé à écouter de la musique, mais en effectuant une sélection qui a fait ressortir mon côté ténébreux. J’ai pas arrêté d’écouter en boucle le morceau éponyme de Black Sabbath et « Stairway to heaven » de Led Zeppelin.
… À la maison, je joue sur un vrai ampli Marshall et c’est mes enfants qui se plaignent.
Et je vous ai dit que j’avais beaucoup réfléchi sur le son alors, je vous ai préparé des choses sur mon Ipod, c’est qu’il ne faut pas passer à côté des messages d’alerte. Voilà, ça c’est la sonnerie des portables. C’est-à-dire qu’en cas d’alerte les portables ne sonnent pas avec notre sonnerie habituelle.
Mme Ito : C’est un buzz qui a été spécialement étudié pour être désagréable, c’est un accord qui dérange de façon à attirer l’attention…
C’est une appréciation toute relative car pour moins c’est une superbe onde carrée.
…
M. Ito : J’ai une requête pour la musique, car ici il y a plein d’enfants et j’aimerais qu’on les entende comme une note d’espoir dans votre musique. En fait si j’écoutais énormément de musique avant le séisme, depuis je me suis remis à en écouter encore plus. J’ai ajouté l’ipod pour en écouter quand je ne suis pas chez moi. Je n’écoute pas de musique japonaise, mais seulement de la musique occidentale. Je suis surtout fan de heavy-metal, voyez là j’ai Megadeath.
Et là, Mr Ito place son baladeur à 1cm du micro, me faisant exploser les vu-mètres avec le morceau Suddendeath…
Alors conformément aux contraintes de mon dispositif compositionnel, j’ai utilisé les enregistrements des enfants de l’école de Nakoso, mais je ne suis pas certain d’avoir réussi à leur faire porter « une note d’espoir ». Par contre, cet extrait de Megadeath à pris une place importante dans la composition. La forme s’y prêtait, un morceau avec des passages sans ryhtmique, et en même temps le titre et le nom du groupe, ont fonctionnés comme un signe. Ce morceau renvois à une certaine rage d’une catégorie de la population, celle qui s’est trouvé exposée au nuage radioactif par défaut d’information. Ils font partie de ces gens qui ne feront plus jamais confiance aux autorités voir même dans une certaine mesure à la réalité. M. Ito utilise 3 compteurs Geiger, le second pour contrôler le premier et le troisième si l’un des deux tombait en panne. Ce n’est pas qu’une image, c’est caractéristique d’un nouveau mode de pensée qui a émergé au Japon. Je n’ai pas l’impression que M. Ito parle anglais, et il ne s’est pas adressé à moi en cette langue. Je ne pense pas qu’il s’agisse de fausse naïveté de sa part. Il y aurait donc eu juste une coïncidence dans une ville dévasté par un séisme, un tsunami et une contamination nucléaire a me faire écouter Suddendeath par le groupe Megadeath. »
Eric Cordier
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